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La difficulté de protéger une interface graphique

Sur le plan théorique, une interface est un dispositif physique ou logique entre deux systèmes ou deux parties d'un même système, défini par des caractéristiques propres et permettant des échanges entre ces deux systèmes. Que ce soit en physique, en chimie ou en biologie, l’intérêt d’une interface entre deux systèmes en interaction est qu’il s’agit d’un véritable univers en soi, qui n’est ni tout à fait le système auquel elle appartient, ni l’autre système et qui dépend pourtant de l’un et de l’autre. Cette sorte de flou existe-t-elle en propriété industrielle pour la protection des interfaces homme-machine (IHM) ?

 

Dans le monde du logiciel, une interface est une zone où un utilisateur (premier système) et un ordinateur (deuxième système) échangent des données grâce à une certaine disposition graphique (caractéristiques propres).

 

Il existe dans une IHM une composante de code source et un aspect graphique, que l’on peut analyser au regard du droit d’auteur, et un composante de fonctionnalités techniques d’une partie au moins du logiciel, que l’on peut analyser au regard du droit des brevets.

 

Sur l’aspect brevets, la récente décision T 0698/11 est intéressante à plusieurs titres et illustre bien la difficulté d’appréhension de la protection des interfaces.

 

L’invention porte sur une interface permettant de piloter une machine d’emballage. Son libellé d’origine en 2005 est tel qu’au stade international (PCT), l’OEB en charge de la recherche a déclaré être dans l’incapacité d’effectuer une recherche puisque l’invention portait selon elle sur des plans, principes ou méthodes en vue de faire des affaires. Quelques années plus tard (2008-2010), et malgré l’absence de recherche, l’OEB conduit l’examen européen et décide au final de rejeter la demande de brevet pour défaut d’activité inventive.

 

Cependant, l’activité inventive s’analyse par rapport à un art antérieur, définit au stade de la recherche. Et quand il n’y a pas eu de recherche ?

 

La chambre de recours vient de décider que les connaissances générales n’étaient pas suffisamment clairement établies et que la division d’examen aurait du effectuer la recherche que la division de recherche avait déclaré ne pas pouvoir faire. Donc l’affaire est renvoyée à la division d’examen pour effectuer cette fameuse recherche, 6 ans après. Selon l’OEB, ce qui n’était pas possible en 2005 aurait du l’être en 2008 et devient obligatoire en 2012.

 

Au-delà de cette anecdote amusante, il convient de se pencher un peu sur le libellé des revendications puisque celui-ci est à l’origine de toute cette histoire de recherche.

 

La formulation actuelle de l’invention porte sur une interface (univers en soi) mais inclut également des caractéristiques extrinsèques sur la machine d’emballage (l’un des systèmes).

Ces caractéristiques techniques extrinsèques à l’IHM ont très probablement été introduites dans l’objectif de ne pas être exclu de la brevetabilité au titre de l’Art. 52 CBE dans lequel les plans, principes et méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles, dans le domaine des activités économiques, ainsi que les programmes d'ordinateur, considérés en tant que tel ne sont pas considérés comme des inventions.

 

De ce fait, cela soulève deux questions.
Premièrement, avec la pratique actuelle de l’OEB consistant à exclure de l’activité inventive les caractéristiques non techniques, le risque est que l’interface soit considérée comme dénuée d’activité inventive au regard de documents portant sur d’autres machines d’emballage !
Deuxièmement, si une telle revendication venait à être délivrée, il existerait un véritable flou juridique car quelle serait la portée juridique d’une IHM définie par la machine qu’elle pilote ?

 

Gageons donc que cette histoire n’est pas terminée et que l’OEB n’a pas dit son dernier mot.

 

Que faire alors ?
Les aspects graphiques étant exclus de la brevetabilité, il est souvent particulièrement difficile de définir le problème technique d’une interface, sauf à ce que l’interface soit en fait un logiciel en tant que tel qui réponde à un problème technique (par exemple la saisie de données avec une souris faisant apparaître un menu déroulant, pour éviter l’utilisation d’un clavier). Mais une IHM n’étant le plus souvent qu’un élément d’un logiciel, il est plus aisé de viser une protection sur l’IHM couplée à d’autres éléments du logiciel, voire la machine qui le met en œuvre, afin de clairement définir un problème technique.

 

(C) Thibault Bouvier - Avril 2012

 

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